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Réussir sa vie à l'étranger

29 juin 2007

Ils sont de plus en plus nombreux, ces jeunes diplômés partis tenter leur chance à l'étranger.


Ils sont de plus en plus nombreux, ces jeunes diplômés partis tenter leur chance à l'étranger. Ils y ont trouvé ce que la France ne leur offrait pas : une chance, la reconnaissance, un très bon salaire...

Au cours de sa campagne, le candidat Sarkozy était allé leur rendre visite à Madrid et à Londres pour clamer qu'il comprenait les raisons de leur départ. Elu, le président Sarkozy va devoir montrer qu'il est capable de faire revenir ces bataillons de jeunes Français qui ont délaissé leur pays. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : selon le ministère des Affaires étrangères, le nombre de Français qui ont pris la poudre d'escampette a augmenté de 3 à 4 % par an depuis une décennie. Parmi les 2, 2 millions de Français de l'étranger, la moitié seraient des jeunes. Le démographe Hervé Le Bras affirme que, chaque année, 50 000 adultes entre 20 et 30 ans quittent notre pays et que la plupart ne reviendront pas « parce qu'il y a toujours une bonne raison pour différer son retour » . Une catastrophe, selon le chercheur. « Une bonne partie d'entre eux est très diplômée . Les Français bien formés et dynamiques choisissent d'autres pays, comme le Royaume-Uni ou le Canada, parce qu'ils y ont de meilleures promotions et des responsabilités plus grandes. » Les jeunes exilés que Challenges a traqués aux quatre coins du monde ne disent pas autre chose. « La France est sclérosée , les hiérarchies y sont trop marquées . Il faut toujours avoir le meilleur diplôme , le meilleur réseau » , répètent-ils en choeur, qu'ils aient choisi l'Irlande, le Maroc, les Etats-Unis ou la Chine... « Le marché du travail est beaucoup moins facile chez nous , reconnaît Erik Jalil Sadiki, directeur de l'Espace Emploi International de Paris, structure de l'ANPE qui accueille les candidats au départ. Notre culture est formaliste , notre droit, contraignant. Au Royaume-Uni , on peut trouver un travail en trente minutes. » Un chiffre parmi d'autres : sur les millions d'offres qu'agrège le site Option Carrière, un moteur de recherche d'emploi, quelque 2, 5 millions d'annonces concernent le Royaume-Uni... contre 300 000 pour l'Hexagone. Son directeur général, Jean-Benoît Andrieu, est lui-même installé à Londres depuis 2005.

A l'ombre de la City et des monceaux d'argent qu'elle brasse chaque jour, la capitale britannique attire des milliers de Frenchies . Dans la Silicon Valley californienne, 8 000 Français ( sur 40 000 installés dans la baie de San Francisco ) travaillent dans les nouvelles technologies. Sous le soleil et les palmiers, des Français, inconnus dans leur patrie d'origine, affi - chent des réussites prodigieuses, tels Luc Julia, fondateur d'Orb Networks, ou Sina Fateh, scientifi que devenu patron de Vega Vista, société spécialisée dans les technologies optiques. Selon le Conseil d'analyse stratégique, 16 000 chercheurs titulaires d'un doctorat vivent à l'étranger, faute de débouchés attractifs dans l'Hexagone. La moitié ont choisi les Etats-Unis, dont les laboratoires de recherche universitaire garantissent un confort de recherche inégalé et des salaires en moyenne trois fois plus élevés. Un récent rapport de l'Ecole des mines montre que sur les 37 économistes français en poste dans les plus grandes universités américaines, 22 ( souvent polytechniciens ou normaliens ) sont classés parmi les 1 000 meilleurs mondiaux. A contrario, seuls 45 des 5 000 économistes exerçant dans l'Hexagone intègrent ce Top-1 000, fondé sur le nombre des publications et l'importance de la revue...

Inversement des flux
Depuis peu émergent de nouveaux signes, encore mal connus faute de statistiques, du désamour entre la France et une partie de ses jeunes pousses. Sur Internet, dans les forums, de jeunes diplômés issus de l'immigration annoncent, la rage au ventre, leur intention de partir à Dubai ( Emirats arabes unis ) ou au Qatar, dont la croissance ébouriffante les fascine. D'autres, Français d'origine marocaine, décident de rentrer dans la patrie de leurs aïeuls pour lancer leur entreprise ( lire page 58 ). « Ce mouvement est récent , souligne Amina Ennceiri, secrétaire générale adjointe du Haut Conseil à l'intégration. Il est lié à ce plafond de verre que ces jeunes voient se dresser devant eux. Ils ont l'impression que la France renouvelle peu ses élites , qu'il y a peu de promotion par le travail. »

La fuite des intelligences serait-elle inéluctable ? Olivier Lefébure n'y croit pas, même s'il voit les jeunes débarquer par grappes chaque mois à Shanghai. Cet avocat, grand chambellan de l'installation de PME françaises en Chine, préfère y voir une chance. « Il y a cent ans, les mi- grants étaient plus nombreux qu'aujourd'hui , rappelle d'ailleurs le sociologue Jean Viard. Regardez les pieds-noirs : c'étaient pour la plupart des Alsaciens ! » Pour l'auteur d'un Eloge de la mobilité , le mal-être de la France face à ses exilés tient surtout à ce qu'elle se considère plus comme une terre d'accueil - le pays est la première destination touristique mondiale - que comme une terre de départ. A ses yeux, tous les jeunes devraient pouvoir tenter leur chance à l'étranger. « L'écart s'accroît aujourd'hui entre les sédentaires , ces jeunes de banlieue sans qualification qui “ tiennent les murs” de leurs immeubles, et ceux qui sont mobiles. »

Penser au retour
A entendre, cet après-midi-là, les motivations des jeunes qui poussent la porte de l'Espace Emploi International, on se dit que leur envie de bouger témoigne d'abord d'une jolie fringale de découverte. C'est Aude, 24 ans, diplômée d'une école de commerce, qui veut « faire un saut, deux ans maxi » en Irlande parce qu'elle y parlera l'anglais et que c'est « la plaque tournante de l'e-commerce » . C'est Thomas, 29 ans, responsable logistique expérimenté, qui, après une année inoubliable en Australie, cherche un emploi en Europe de l'Est pour peaufiner son profil de globe-trotteur. « Une fois qu'on s'est ouvert l'esprit , c'est pour la vie » , s'enthousiasme Frédéric Winckler. Le président de la fi liale parisienne du groupe de publicité J Walter Thompson, qui a commencé sa carrière en Angleterre avant de partir pour la Pologne, voit d'un oeil bienveillant tous ces jeunes Français qui partent respirer l'air du large. Devenu recruteur, il privilégie systématiquement les profi ls « internationaux » , candidats d'origine étrangère ou partis voir du pays.

Mais il remarque aussi à quel point nombre d'entreprises sont réticentes à embaucher les cadres de retour d'expatriation. « Il est important de leur permettre de se réacclimater tout en leur offrant assez de liberté . Car c'était leur force là-bas . »

Autant de raisons pour penser au retour avant même le départ, conseille Marie-Christine Portut, responsable des relations internationales à l'Association pour l'emploi des cadres ( Apec ). « Il faut se renseigner sur les coûts du logement , les conditions de la protection sociale et les différents contrats de travail. » Ne pas hésiter non plus à négocier avec son employeur - si on est embauché en contrat local -, qu'il cotise à la caisse des Français de l'étranger pour la retraite...

Une fois ces précautions prises, place à l'aventure. « Partez et faites votre marché sur place ! » lance la Madame International de l'Apec. Bonne nouvelle : il y en a pour tous les goûts. Les plus sages opteront pour le Québec, l'Angleterre ou les Etats-Unis ( lire pages 52 à 54 ), terres d'accueil habituelles des Français. En espérant connaître le succès du cuisinier Jérôme Ferrer, devenu en cinq ans la coqueluche des Montréalais. Les plus tendance iront se plonger dans ces économies foisonnantes toutes proches que sont l'Irlande ou le Maroc, ou dans la lointaine Australie, étonnante de vitalité ( pages 56 à 60 ). Les plus téméraires, enfin, opteront pour les horizons lointains. Dans ces nouveaux eldorados, comme l'Alberta canadienne, la Chine trépidante qui raffole des jeunes ingénieurs français, ou bien le Brésil, tout reste encore possible ( pages 62 à 64 ). Y compris les déconvenues, qui elles aussi forment la jeunesse.

Le VIE ravit les jeunes et les entreprises
« Dans les années 1970, la coopération a formé des milliers de jeunes à la mobilité », rappelle le sociologue Jean Viard, en déplorant la fin du service national. Fort heureusement, le système du Volontariat international en entreprise ( VIE ) est en passe de prendre le relais. Le nombre de VIE en poste connaît une croissance annuelle de l'ordre de 30 %. Près de 4 500 jeunes Français avaient choisi cette formule d'expatriation l'an dernier, contre 3 000 il y a trois ans seulement. Et le cap des 5 000 devrait être atteint dès le mois de juillet.

« Notre travail consiste à convaincre les entreprises de la qualité de notre fichier, explique Louis-Michel Morris, directeur général d'Ubifrance, l'organisme public chargé de faire se rencontrer les demandes des jeunes diplômés et les propositions de poste des entreprises. Une PME peut ainsi s'offrir un HEC supermotivé et parlant l'arabe pour quelques centaines d'euros par mois. » Autre avantage : l'entreprise est déchargée de la rémunération et de l'assurance des VIE. Pour les jeunes cadres, la formule permet de partir dans le monde entier, même si quelques pays, comme l'Inde, multiplient encore les tracasseries. Du coup, ces expériences conduisent souvent à l'embauche. D'après Ubifrance, 70 % des VIE sont recrutés par l'entreprise, et la moitié d'entre eux restent à l'étranger. Serait-ce là une piste pour doper les exportations françaises ?

par Mathieu Magnaudeix  &  Jean-Baptiste Diebold

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